Sauvez Willy

Sauvez Willy

Sauver Willy, bonne ou mauvaise idée ?

 

Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas rédigé un bon article digne de ce nom.  La plupart de mon activité professionnelle se déroule en été, j’ai donc moins de temps pour construire ou traduire un article… Néanmoins, j’en avais mis un de côté. C’est un article du 24 septembre dernier, rédigé par David Kirby, l’auteur de Death At Seaworld (voir article du 25/12/2012).

Cet article cherche à établir si la libération et la réhabilitation de l’orque Keiko (star du film Sauvez Willy) était une bonne idée.

Voici ma traduction :

« Il semblerait que les orques soient le centre de l’attention entre la récente sortie cinématographique du film Blackfish, la version écrite du livre Death At SeaWorld, et le 20ième anniversaire du film à succès Sauvez Willy (joué par l’orque nommé Keiko, qui fut réhabilité et relâché dans l’océan – dans la vraie vie ainsi que dans le film.)

En aout 2013, le journal digital TakePart a reporté un article sur cet anniversaire et sur la sortie cinématographique en HD du documentaire « Keiko : L’Histoire Non-Racontée De La Star De Sauvez Willy ». 20 ans après que Keiko ait terminé son rôle dans le film, son histoire soulève toujours beaucoup de controverses.

Transporter Keiko hors de son bassin aux normes loin d’être acceptables situé au parc Reino Aventura de la ville de Mexico, a couté des millions. Il y pourrissait dans une eau chaude mixée avec des sacs de sel de table.

Le transfert se fit vers un centre de « réhabilitation » spécialement construit, sur la côte de l’état d’Oregon (côte ouest des États-Unis), puis vers un bassin de pleine mer,  spécialement construit également, situé dans une baie en Islande.

Après plusieurs mois passés dans son bassin flottant, Keiko a pu nager autour de la baie, fermée par des filets. On y a ensuite intégré une porte pour que Keiko puisse « aller se promener » avec un bateau. Il était doté d’une balise satellite pour s’assurer qu’il ne se perdrait pas. Un jour, après deux ans à suivre ce régime, il partit, se retrouvant en Norvège, à 1126 km à l’est, où il vécut encore 15 mois avant de décéder de causes naturelles. Pour tout dire, il vécut 5 ans en pleine mer [Il arrive en Islande en 1998 et décède en 2003].

Keiko n’est plus là, mais le débat vit encore.

Les critiques disent que le projet tout entier n’était qu’un gâchis financier et cruel pour Keiko, qui n’aurait jamais dû être autorisé à nager seul dans l’océan (même si c’était précisément les termes du projet). Elles disent qu’il est mort seul, prématurément ; aucun des deux n’étant vrai. Il avait trois aide-soignants aimants à ses côtés quand il nous a quitté, âgé approximativement de 26 ans, proche des 30 ans de durée moyenne de vie des orques mâles à l’état sauvage et parmi les plus âgés des orques mâles captifs.

En septembre, le New York Times a produit une vidéo rétrospective sur toute la saga Keiko, en conservant la question ouverte de savoir si sa libération était une bonne idée ou pas, mais en suggérant que ce n’était peut-être pas le cas.

Naomi Rose, qui a travaillé pour le projet Keiko en tant que membre de la Humane Society des États-Unis, était « déçue » de la vidéo, comme indiqué dans le commentaire qu’elle a laissé sur le site du reportage. « La modification de la vidéo donne l’impression que le protocole « d’aimer sans tout permettre » a en quelques sortes fait de Keiko un animal abandonné. Ce protocole était fait pour l’encourager à entreprendre sa propre vie pendant quelques semaines, tout en le surveillant constamment via la balise satellite. Quand il a décidé qu’il ne voulait plus être indépendant, nous nous sommes occupés de lui jusqu’à son dernier jour. »

Note : le bassin dans le film Sauvez Willy est en fait le bassin dans lequel l’orque Keiko était captif.

Mais alors que les opinions continuent de se quereller à propos des détails de la vie de Keiko après sa captivité, il est important de se rappeler à quoi ressemblait sa vie pendant la captivité.

Take Part a récemment été contacté par une ancienne dresseuse de Reino Aventura, Claudia Galindo, qui est aujourd’hui une activiste contre la captivité habitant sur la côte pacifique de l’état de Nayarit, où elle guide de petites excursions d’observation de baleines en pleine mer. Galindo a commencé à travailler pour le parc en 1990, deux ans avant que les réalisateurs arrivent pour filmer Sauvez Willy.

Toutes les sources s’accordent à dire que les conditions de l’aquarium de la ville de Mexico étaient incroyablement infectes, surtout en comparaison avec la région natale de Keiko.

Il se peut que ceux qui critiquent SeaWorld exècrent la vie menée par certains mammifères marins dans les parcs SeaWorld, mais la vie à SeaWorld est paradisiaque comparée à celle que Keiko et d’autres animaux pouvaient endurer à Mexico.

« J’ai vu des animaux à qui ont été privés de nourriture parce qu’ils ne souhaitaient pas travailler », indique Galindo. « De nombreux matins en arrivant, on trouvait Keiko en train de pleurer et pousser sa tête contre le mur. Il a même gardé une marque à force de s’appuyer sur le mur et la porte. »

Keiko, qui fut atteint d’une horrible infection cutanée, souffrait régulièrement de troubles de l’estomac, indiquait Galindo , et nécessitait constamment des médicaments.

Malgré sa santé précaire et son bassin rempli à l’eau du robinet, Keiko faisait pratiquement l’unanimité quant à son affection, en tout cas envers la plupart des gens. « Il était très doux et calme ; il adorait tellement les enfants  que nous pouvions asseoir l’un des enfants des dresseurs sur son ventre et il laissait le petit le monter », se rappelle Galindo. « Il était tellement patient. »

[…]

Galindo ne pouvait plus tolérer ces conditions. Après quelques années à Reino Aventura, elle démissionne. « J’étais écœurée et fatiguée de voir les animaux souffrir », dit-elle. « De plus le parc voulait nous utiliser (nous dresseuses) pour un ballet aquatique ridicule. J’ai été embauchée en tant que dresseuse, pas clown. »

Aujourd’hui, l’opposition de Galindo contre la captivité est inébranlable, tout comme pour les 4 anciens dresseurs mentionnés dans Death at Seaworld (voir fiche Sam Berg). Tout comme ces quatre ex-dresseurs, elle estime que « en ayant travaillé avec des animaux captifs, je suis capable de réellement éduquer les gens sur la bonne façon d’admirer ces créatures », qui est en extérieur, dans l’océan.

Elle condamne sévèrement l’industrie qui a révélé Keiko au public.
« Ces parc marins ne sont rien de plus que des bordels, avec pour différence le fait que les femmes qui travaillent dans le bordel savent ce qu’elles font, et, dans la plupart des cas, choisissent d’y travailler. »

Mais les mammifères marins captifs « n’ont pas le choix et on ne leur demande pas leur avis », ajoute-t-elle.

Voici la façon dont je vois les choses, Keiko compte parmi le peu de cétacés à qui on a donné un choix. Il n’était pas obligé de quitter la sécurité de son sanctuaire islandais, il l’a choisi. Et c’est bien plus de choix que la plupart d’orques captives n’ont déjà été donnés. »

Et vous ? Quel est votre avis ? Que pensez-vous de la libération et réhabilitation de Keiko ?

Personnellement, je pense qu’il y a deux conclusions à la question: pour Keiko. Et pour les autres orques captives.

Si on reste sur Keiko alors oui, c’était un succès. Notre orque bien aimée a eu l’immense privilège de replonger dans ses eaux natales et de voyager avec des confrères. Oui, il a réussi à se nourrir et à se débrouiller seul vers la fin de sa réhabilitation. Oui, sa condition physique s’est améliorée et il a vécu plus longtemps que la plupart des orques mâles captifs. Après le succès de la saga Sauvez Willy, la moindre des choses était en effet de faire en sorte que la fin du film se réalise. Voilà ce que la célébrité peut réaliser. « Il y a des milliers d’autres animaux qui vivent dans des conditions pires que celles dans lesquelles a vécu Keiko. Mais ils ne sont pas connus, donc le public n’aidera pas. » (Susan Orlan, écrivaine du journal The NewYorker)

En revanche, si l’on regarde le sujet par rapport aux autres orques captives, alors c’est un échec. Ce programme de libération et réhabilitation a pu être réalisé grâce au soutien du public et d’associations. Il est extrêmement onéreux. Je crains malheureusement qu’il ne puisse être renouvelé pour d’autres orques (sauf peut-être Morgan). Même si de nombreuses orques ont largement mérité leur « retraite » (comme c’est le cas de Tilikum, Lolita, ou encore Kshamenk), j’ai bien peur que ce projet pharaonique ne voit jamais le jour.

Je rejoins le point de vue de Naomi Rose : il faut arrêter d’exploiter les orques captives en les faisant travailler contre de la nourriture. Il faut arrêter le programme de reproduction entre elles. Il faut arrêter le trafic d’orques capturées. En bref, il faut laisser les bassins se vider peu à peu tout en prenant soin des orques présentes, et il ne faut pas les repeupler à nouveau.

Le temps de la captivité et de l’exploitation animale à des fins de divertissement est révolu.
Il est temps que les propriétaires de telles structures s’en rendent compte.

Laisser un commentaire